Ça commencerait.
Non, ça se terminerait par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
Impossible.
Les histoires vraies n’existent pas, seuls les mensonges sont importants.
Dans mensonge, il y a songe alors que, dans histoire, il y toire.
Ça ne veut rien dire. Encore que.
Si on commençait par une toire de songes ?
En couleurs.
A côté, une porte.
En noir et blanc.
Sur la porte, un clé, accrochée à un clou.
Est-ce que j’ouvre la porte ?
Oui, j’entre ?
Non, la toire de songes s’efface.
La clé dans la porte, la porte s’ouvre.
Un escalier.
Qui monte.
En bois.
Avec une rampe en fer forgé.
Comme la clé.
Un pas devant l’autre.
Craquement.
Un regard discret vers l’arrière.
Suivie ?
Oui, je crie ?
Non, je poursuis.
En haut.
Un couloir. Un bruit.
Agréable.
Une musique.
J’épie, j’entends, j’écoute.
Tout est blanc. Nappé.
Des meubles fantômes, qui survivent avec, pour seul compagnon, le vent, dans les interstices.
Un seul fauteuil. Vivant.
Il semble m’inviter. Ou pas.
Oui, je m’assois ?
Non, la toire de songes s’efface.
Caresse d’accoudoir. Réaction subtile.
Je m’enfonce en lui.
Sécurité absolue, ses bras m’accueillent.
Je bascule.
Les yeux fermés, le ventre ouvert.
La musique entre, tourne.
Une danseuse, précieuse, ridicule, enfermée dans une boîte.
Eh, la musique, c’est la vie ! Réveille-toi et fuis ! De tes propres ailes !
Les yeux fermés, le ventre ouvert.
Minuscule fenêtre sur cour.
Béante. Une fraction de seconde. Un geste. Urgent. Salvateur.
La danseuse vole. Dehors. Éternelle.
La musique stoppe, fracassée.
Le silence, assourdissant, reprend ses droits.
J’ouvre les yeux. Je ferme le ventre.
L’angoisse. Les monstres.
Ils sont de retour.
Sous la grande armoire. Tapis.
Ils me crient, me menacent, m’insultent.
J’ai grandi, je n’ai plus peur. Ou pas.
Ils sont autres.
Est-ce qu’ils disparaîtront un jour ?
Oui, j’affronte ?
Non, la toire de songes s’efface.
Vire au cauchemar : je les regarde. Droit dans les yeux.
La rage au ventre, je bondis. Droit sur eux.
Lutte. En corps à corps.
Violence. Explosive. Intérieure.
Un cri-fauve.
C’est la fin.
J’ai gagné. Ma liberté. Ma vie. Ma mort.
Le silence, apaisant, reprend son droit.
Le fauteuil s’efface, la musique s’efface, l’escalier s’efface, la clé s’efface, la porte s’efface.
La toire de songes reste posée au mur. En couleurs.
Je suis dehors.
Accrochée à la terre.
Glissant des doigts furtifs sur l’ombre des branches.
Caressant un rêve.
Présente.
Ça se terminerait bien.
Ecrit le 3 novembre 2013
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