Variations

Original – Premiers paragraphes de « Confiteor » – Jaume Cabré (Editions Actes Sud)

Confiteor_Jaume_Cabre

Variation n°1 : Te frôler

Ce n’est que maintenant, alors que je bute et trébuche à l’entrée du souterrain, que je comprends qu’avancer dans le noir est une erreur impardonnable. Tout à coup, j’entends clairement à quoi ressemble un cœur battant.  Au fur et à mesure que je marche à pas feutrés, l’odeur persistante de mes croyances imprécises me saute à la gorge et se noie au creux de mon ventre. Tout en recevant l’averse de mes pensées illuminées, et chargée de mes erreurs et de mes succès, je parviens à la conclusion de mes divagations du moment.  Je me sens désemparée et il me manque. Malgré la distance. Malgré la panique.

Car je sens bien que la danseuse m’invite à la suivre dans le cercle de feu. Elle a planté son pas dans le sol et m’invite d’un geste pointu de la main à poursuivre la partie. Mais je ne peux pas bouger, je n’aime pas valser et c’est peut-être cela, ma dernière chance. Je vais tenter de retomber sur mes quatre pattes, même si pour être honnête, humaine que je suis depuis longtemps maintenant, je n’en ai plus que deux.

Je fais un effort pour ne pas trop inventer : il y a longtemps, cet homme a croisé mon chemin. Il est la cause de mes tourments du moment. Sans lui, elle n’apparaîtrait sans doute pas sur la piste, interprète brûlante du flamenco de mon corps. Sans lui, de Mes Mémoires pour un seul lecteur, il n’y aurait rien, pour personne. Sans lui, le terrain vers je ne sais où ne serait aussi palpitant, perturbant.

Je fais un effort pour ne pas trop aimer : il y a longtemps, tu as croisé mon regard comme on croise le fer. Un instant. Tu es la cause de mes tourments du moment. Sans toi, je demeure sans croyance, sans prêtre, sans conscience. Sans toi, je ne sais pas comment m’y prendre, m’y envelopper, m’y résoudre. Sans toi, je ne suis pas capable de remonter si loin, je commence beaucoup plus près de nous, beaucoup plus près. A te frôler. Avec toi.

Variation n°2 : Seule

Je marchais
J’ai compris
J’ai toujours été seule
Il m’a fallu 40 ans
J’espère
Je n’accepte plus
Je demeure sans
Je me sens vieille
Je regarde
Je suis seule
Ne me fais pas trop confiance
Je ferai un effort
Je ne sais pas
Je ne suis pas capable

Ecrit le 5 mars 2016
Droits réservés © 1001 petits pois

 

 

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