Elle s’appelle Neige. Pour de vrai. Sauf qu’elle ne lui ressemble pas. Jamais. C’est comme si on l’avait nommé pour qu’elle soit l’inverse et l’envers.
Elle s’appelle Neige. Pour de vrai. Sauf qu’elle n’aime pas. Vraiment. C’est comme si on lui avait mis du blanc là où elle avale la couleur à pleins poumons.
Sa vie, ce n’est pas un conte de fée. Elle ne rêve pas du prince charmant, elle se fout des nains dans les forêts d’antan et la sorcière la fait hurler de rire.
Par contre, les pommes rouges, elle aime. Dans les fêtes foraines.
Là où elles croquent et dégoulinent le long des doigts.
Là où ça grouille, ça crie, ça s’apostrophe à bout de mots.
Là où ça tape, ça fracasse, ça se castagne à tour de bras.
Là où la musique crache, explose et brise les oreilles et le palais des glaces.
Là où les étoiles clignotent multicolores et les néons scintillent fluorescents.
C’est son monde. Le monde de la nuit, le monde du bruit, le monde de la vie.
Sa vie.
Mais ce matin, Neige est immobile. Seule. Livide. Blanche. Tout s’est arrêté. Son monde s’est écroulé. Il est envahi. Le noir. Celui qui tonne dans son cœur et empêche le sang de circuler.
Ce matin, Neige a perdu. Ses couleurs. Ses odeurs. Les fleurs plastique de ses cheveux tombent à genoux, fanées, flétries, ternies. Elle est transpercée, transparencée. Le noir. Celui qui fourmille ses tympans et la fait partir.
Le manège du cheval à bascule dans la folie.
A l’instant précis où.
Elle a posé le pied à terre. Glissante.
A l’instant précis où.
Sa main s’est brisée. Glacée.
A l’instant précis où.
Son regard s’est perdu. Pétrifié.
Et.
Le ciel.
Et.
La neige.
Sont apparus. Ont déversé leurs silences poudrés. Ont tracé leurs errances sur le lac. Ont bouleversé les sens. Puis ont disparu. Comme ils étaient venus.
Neige est restée là.
Son âme a gelé au rouge de ses pensées.
Son corps s’est figé au bleu de ses incertitudes.
Puis a disparu. Comme elle était venue.
Sur la stèle, est restée l’inscription : « Le ciel. La neige. A l’infini. Bleu. Rouge. Neige. »
Ecrit le 17 mars 2018
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